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28 décembre 2015

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L'Autorité Administrative Indépendante (AAI) est la forme juridique que le législateur a le plus souvent choisie pour construire les autorités de régulation. L’AAI n’en est que la forme juridique, mais le droit français a accordé une très grande importance à celle-ci, suivant la tradition souvent formaliste du droit public. Sont ainsi des autorités administratives indépendantes l’ARCEP, l’AMF, l’ARJEL, l'ARAFER, la CNIL, etc.

L’élément essentiel est dans le dernier adjectif : le caractère "indépendant" de l’organisme. Cela signifie que cet organe qui n’est pourtant qu’administratif, donc ayant vocation à être placé dans la hiérarchie l’exécutif, n’obéit pas au Gouvernement. En cela, on a très souvent présenté les régulateurs comme des électrons libres, ce qui a posé le problème de leur légitimité, puisqu’ils ne pouvaient plus puiser en amont dans la légitimé du Gouvernement. Cette indépendance pose également la difficulté de leur responsabilité, de la responsabilité de l’État du fait de leurs agissements, et de la reddition de compte (accountability) quant à l’usage qu’ils font de leurs pouvoirs. En outre, l’indépendance des régulateurs est parfois mise en doute si c’est le gouvernement qui conserve le pouvoir de nommer les dirigeants de l‘autorité de régulation. Enfin, l’autonomie budgétaire du régulateur est cruciale pour assurer son indépendance, les autorités ayant le privilège de bénéficier d’un budget -qui n’est pas inséré dans la LOLF- étant cependant très peu nombreuses (notamment l’AMF ou encore l’ACPR).

Le deuxième point concerne le second adjectif :  à savoir qu’il s’agit d’un organe "administratif". Cela correspond à l’idée traditionnelle selon laquelle la régulation est le mécanisme par lequel l’État intervient dans l’économie, selon l’image d’une sorte de déconcentration des ministères, dans le modèle scandinave de l’agence. Si l’on se laisse enfermer dans ce vocabulaire, on en conclut que cet organisme administratif rend une décision administrative qui fait l’objet d’un recours devant un juge. Ainsi en premier lieu, il s’agirait d’un recours de premier instance et non pas d’un jugement puisque l’autorité administrative n’est pas un tribunal. En second lieu, le juge naturel du recours devrait être le juge administratif puisqu’il s’agit d’une décision administrative rendue par une autorité administrative. Mais, l’Ordonnance du 1ier décembre 1986 sur la concurrence et la libéralisation des prix, parce qu’elle entendait précisément briser cette idée d’une économie administrée pour imposer la liberté des prix l’idée du libéralisme économique, a imposé que les attaques faites contre les décisions de régulateurs économiques prenant la forme d’AAI soient portées devant la Cour d’appel de Paris, juridiction judiciaire. Certains grands auteurs ont même alors pu en déduire que la Cour d’appel de Paris était devenue une juridiction administrative. Mais aujourd’hui, le système procédural est devenu d’une extrême complexité car suivant les AAI et suivant les différentes sortes de décisions adoptées, elles relèvent d’un recours soit devant la Cour d’appel de Paris, soit devant le Conseil d'État. Si l’on observe les lois successives qui modifient le système, on constate qu’après cette grande position de principe de 1986, le juge administratif reprend petit à petit sa place dans le système, notamment dans la régulation financière. Doit-on par logique en conclure que l’on revient à un esprit de régulation définie comme une police administrative et à une économie administrée par l’État ?

Enfin, le troisième terme est le nom lui-même : « l’autorité ». Il signifie en premier lieu d'une entité dont le pouvoir tient avant dans son "autorité". Mais il marque qu'il n'est pas une juridiction, qu'il prend des  décisions unilatérales. C’était sans compter la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le juge judiciaire ! En effet, l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme pose que toute personne a droit à un tribunal impartial en matière civile et pénale. Or, la notion de « matière pénale » ne se coïncide pas avec la notion française formelle de droit pénal mais vise la notion factuelle, large et concrète, de répression. Ainsi, par un raisonnement qui va à rebours, un organisme, quelque soit la qualification qu’un État lui aura formellement conférée, qui a une activité de répression, agit "en matière pénale". De ce seul fait, au sens européen, il est un tribunal. Cela déclenche automatiquement une série de garanties fondamentales de procédure, au bénéfice de la personne qui risque d’être l’objet d’une décision de sa part. Une série de jurisprudence, aussi bien de la Cour de cassation, du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel a conforté cette juridictionnalisation des AAI.

2 décembre 2015

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le contrat est l'instrument juridique principal et naturel du marché concurrentiel. Il paraît étranger à la régulation qui, proche de la "réglementation", paraît davantage s'exprimer dans des actes juridiques publics unilatéraux.

Mais cette division s'estompe car le contrat est un instrument efficace en ce qu'il rend acquise l'acceptation du destinataire de la norme, devenant ainsi l'instrument privilégié des politiques publiques. Le Régulateur va l'utiliser d'autant plus que d'une part, par le contrat, les opérateurs lui apportent de l'information et que d'autre part, les opérateurs ayant de fait la puissance de lui désobéir un rapport contractuel de convergence d'intérets est pragmatiquement plus efficace. C'est pourquoi le contrat est une figure juridique majeure de la Régulation.

Le mécanisme de l'autorégulation va plus loin, puisque la Régulation elle-même y est construite sur des engagements contractuels, dispensant de règles et de régulateur exogènes.

29 octobre 2015

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Supiot, A., et Delmas-Marty, M. (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, PUF, 2015,  424 p.

Lire la 4ième de couverture.

Consulter la table des matières.

Consulter l'introduction d'Alain Supiot.

 

16 septembre 2015

Événements

L’assistance à ce colloque peut être validée au titre de la formation continue des avocats.

Un ouvrage suivra la tenue de ce colloque, publié dans la Série Régulations aux Éditions Dalloz, Série dirigée par Marie-Anne Frison-Roche.

Au départ la régulation postule la prise en considération des objets techniques (téléphone, avion, train, blé, monnaie, électricité, etc.). Cette perspective concrète s'oppose à la vision abstraite du droit de la concurrence qui neutralise les objets par leur évaluation monétaire et l'élaboration d'un "juste prix" par la rencontre massifiée de l'offre et de la demande sur un marché. Ainsi, à chaque objet technique s'est élaborée une régulation spécifique comme un jardin de curé : la régulation bancaire, la régulation financière, la régulation ferroviaire, la régulation des télécommunications, la régulation électrique, la régulation des jeux, la régulation des courses hippiques, etc. Des corpus de règles et d'institutions se sont construites, propres à chaque objet, plus efficace que le mastodonte que l'État en charge de tous les objets et poursuivant tant d'objectifs qu'il était critiqué pour son inefficacité.

Mais les différents objets techniques ne sont pas isolés les uns des autres. Ainsi les produits financiers ont depuis longtemps pris les autres objets comme "sous-jacents". Plus encore Internet a introduit une nouveauté qui pourrait être radicale.

En effet, Internet permet une circulation qui paraît sans entrave de prestations qui relèvent le plus souvent de secteurs régulés (prestations financières, prestation de santé, prestations audiovisuelles, etc.). Plus encore, de nouveaux objets apparaissent, les "objets connectés" dont la création repose sur l'aptitude d'Internet de mettre en relation efficace des secteurs jusqu'ici distincts, par exemple les télécommunications et les prestations de santé (la "santé connectée).

Dès, Internet, qui est souvent présenté comme un désert de régulation, apparaît comme un fatras de régulations diverses, qui se contrarient ou se déforment en passant dans le monde virtuel et en croisant, voire en s'entrechoquant avec d'autres régulation. Ainsi Internet apparaitrait à première vue comme un "espace d'interrégulation".

Le colloque du 16 septembre 2015 consacre sa matinée à dresser un diagnostic pour mesurer les "besoins" d'interrégulation qu'Internet engendre, afin que l'après-midi permette d'élaborer quelques "solutions" d'interrégulation. A cette occasion, l'on pourra mesurer s'il s'agira d'adapter les régulations classiques du fait de nouvelles technologies et de nouveaux usages, ou plus radicalement de repenser les régulations sectorielles et le droit commun de la régulation du fait d'Internet

22 mai 2015

Translated Summaries : 01. Transports

Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision sur QPC, UBER, le 22 mai 2015.

Par une loi du 1ier octobre 2014, souvent appelée "Loi UBER" tant il s'agissait d'une loi ad hoc, le Parlement avait voulu réserver aux seuls taxis le droit de pratiquer l'activité de transport de personnes à titre onéreux dans un véhicule de moins de 10 personnes par la technique dite de la "maraude", c'est-à-dire en roulant ou en stationnant sur la voie publique, en allant à la rencontre du client, sans réservation préalable ou contrat avec le client final.

Parvenu jusqu'au Conseil constitutionnel par plusieurs QPC, articulées sur des moyens plus ou moins solides, UBER se prévalait notamment de la liberté d'entreprendre et de la liberté d'aller et de venir.

En effet, comment le Législateur peut-il ainsi porter atteinte à ces deux libertés constitutionnelles majeures ? Un entrepreneur ne peut-il pas circuler dans une ville en attendant qu'un client l'appelle, sans avoir à se soumettre à la procédure administrative d'autorisation de stationnement ? N'exerce-t-il pas la liberté constitutionnelle d'entreprendre ?  De la même façon, sur un terrain moins économique, c'est la liberté d'aller et de venir, formulation de la Déclaration de 1789, que l'on désignerait  aussi comme la "liberté de circulation" dans le vocabulaire de l'Union européenne, qui fonde juridiquement cette technique de la "maraude".

Pour admettre ces deux atteintes faite par la Loi à ces deux libertés constitutionnelles, il fallait donc une justification par un "ordre public en rapport avec l'objet de la Loi".

Et là, le lecteur de la décision n'est pas déçu ...

20 mai 2015

Thesaurus : Textes

Référence complète : Lasserre, V., Le nouvel ordre juridique. Le droit de la gouvernance, préf. Terré, F., LexisNexis, 2015, 358 p.

Lire la 4ième de couverture.

Lire le sommaire.

Lire la préface de François Terré.

20 mai 2015

Analyses Sectorielles

La Régulation est parfois l'expression d'un projet politique : il y a une situation donnée et le Politique veut son changement par l'expression qu'il fait de son pouvoir normatif. C'est alors la Régulation dans son expression Ex Ante qui apparaît.

Mais le plus souvent, le Politique vient "en réaction".

Par exemple une économie naguère close, le monopole légal correspond à une économie géographiquement fermée, est attaquée de fait par des concurrents étrangers, et le Droit pour équilibrer cette attaque concurrentielle de fait insère un système de régulation. Celle-ci, en "réaction", se déploie alors entre un Ex ante  et un Ex post, car le Politique le plus souvent en serait volontiers rester à un système monopolistique et à des monopoles publics.

L'autre cas est celui de la "réaction à des affaire". Ce type de "législation réactive"

27 mars 2015

Analyses Sectorielles

La question du coût de la régulation est une question récurrente.

On peut s'en plaindre concrètement, lorsque les entreprises protestent à propos du "coût de la régulation" ou qu'on le prenne comme objet d'études, à travers le calcul coût/avantage.

Une question pratique de grande importance est de savoir s'il s'agit d'une "question juridique" ou non.

La "juridicité" d'une question se définit par le fait qu'en discuter a un effet sur la solution d'un litige devant un juge. Cette définition concrète, partant du pouvoir du juge, liant la nature de la règle (ici la balance entre le coût et l'avantage) à l'efficacité de sa décision devant le juge, à sa prise en considération par celui-ci dans la décision qu'il prendra, a été proposé en France par Carbonnier. Elle s'oppose à une définition du droit par la source, par l'auteur de la règle, qui repère le droit par exemple à travers la loi, puisque celle-ci est adoptée par le Législateur, source répertoriée du droit.

La première définition, plus sociologique, plus souple, donnant la part belle au juge, correspond mieux à un droit qui donne plus de place à l'Ex post et au juge. Il est logique qu'on en trouve davantage de manifestations dans les systèmes de Common Law.

Or, la question du coût/avantage est actuellement débattue devant la Cour suprême des États-Unis, à propos de la dernière réglementation environnementale, adoptée par l'Environment Protection Agency (EPA). Elle est une question de droit. Elle est sous l'empire du juge.

Car c'est sous cet angle que le Président Barack Obama en novembre 2014 a demandé une régulation très coûteuse,  et c'est sous son impulsion que l'Environmental Protection Agency a conçu des textes. En effet, la pollution de certaines centrales électriques est la cause d'asthme et il a posé en impératif de santé publique de lutter par une Régulation qui se traduit par un coût direct sur les producteurs. Les régulations adoptées en 2012 leur coutent 9 millions $, celles à venir pouvant se traduire par des milliards portant directement sur les entreprises. Le Président a insisté en affirmant que la santé des enfants n'avait pas de prix.

En contestant celles de 2012 devant la Cour suprême, dans le cas Michigan v/ EPA, c'est les autres que les Etats conservateurs et les entreprises ont en tête car c'est le principe qui est posé : un Régulateur a-t-il le droit d'adopter des mesures très "coûteuses" lorsque l'avantage, si acquis soit-il, est de faible ampleur au regard des coûts ?  La Cour suprême qui, ayant choisi de traiter le cas, a écouté le 25 mars 2015, les arguments des uns et des autres.

Il s'agit d'intégrer dans la notion constitutionnelle de "nécessité de la loi" le calcul "coût/avantage". C'est un point essentiel car la notion de "nécessité de la loi" est une notion commune aux Constitutions de nombreux pays.

Or, non seulement les juges dits "conservateurs", comme le juge Antonio Scalia, a pris position a estimé qu'il était fou de pas "considérer" le coût des nouvelles régulations par rapport aux bienfaits attendus sur la santé, mais encore le juge Stephen Breyer, dit "progressiste", a estimé "irrationnel" que le Régulateur environnemental ne se soit pas arrêté à un tel déséquilibre entre le coût et l'avantage.

Il est vrai que Justice Breyer avant d'être juge était professeur de droit de la concurrence à Harvard.

L'arrêt sera rendu en juin.

11 mars 2015

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Supiot, Alain (dir.), L'entreprise dans un monde sans frontières. Perspectives économiques et juridiques, coll. "Les sens du droit", Dalloz, 2015, 320 p.

Lire la 4ième de couverture.

Lire la table des matières.

Lire l'introduction d'Alain Supiot : L'entreprise face au Marché total.

Accéder à la contribution de Marie-Anne Frison-Roche : Les "entreprises cruciales" et leur régulation.

 

21 février 2015

Sur le vif

Il fût un temps où l'essentiel était dans la règle. Aujourd'hui l'essentiel est dans l'effectivité de la règle. Ce que les anglais et les américains appellent : l'enforcement.

Quand les opérateurs sont très puissants et les régulateurs ont peu d'information, quand la règle est complexe, quand  les situations sont changeantes et toujours diverses, l'essentiel de l'art régulatoire se concentre sur l'enforcement.

Cela consacre un peu plus le  continuum entre l'Ex ante et l'Ex post, voire la circularité qui existe entre eux. Non seulement, l'Ex post de la sanction est nécessaire au Régulateur pour que les règles qu'il a posées Ex ante aient une effectivité, mais à l'inverse, si l'on veut que les manquements à la règle que les opérateurs puissants ont commis sont sanctions, c'est par l'Ex ante qu'il faut les punir.

Ainsi, lorsqu'un opérateur financier veut lever des fonds sur le marché financier américain, il doit demander l'autorisation du régulateur pour le faire ou à tout le moins de le déclarer préalablement. Il s'agit donc d'un mécanisme Ex Ante. Mais se l'opérateur est digne de confiance, alors il peut faire l'objet d'une sorte de privilège qui lui permet de lever des fonds sans se soumettre à cette procédure lourde et longue. Il faut mais il suffit qu'il s'agisse d'opérateurs de confiance.

Pourtant, l'agence Reuters rapporte la prochaine élaboration par la SEC des lignes directrices pour faire application de son pouvoir de retirer cette dispense à des opérateurs en raison de manquements observés au regard de la loi, civile ou pénale.

Cela peut certes s'expliquer par le fait que ces opérateurs ont montré qu'ils méritaient pas la confiance qui avait justifié l'accès au statut de "well-known seasoned issuer" (WKSI) offrant ce "privilège" de dispense de régulation.

Cela constitue surtout une répression nouvelle, le retrait de cet allégement de procédure, précieux pour l'opérateur qui lève régulièrement des fonds sur le marché, le ramenant au lot commun des emprunteurs, l'handicapant par rapport aux opérateurs qui respectent la loi et demeurent titulaire du "privilège de bureaucratie" étant une nouvelle façon de frapper.

Dans une régulation dans laquelle la répression devient la flèche centrale du carquois, en voilà une bien asserrée.

On peut se poser la question suivante : sous prétexte que l'on se situe dans l'Ex Ante, le Régulateur pourra-t-il se soustraire aux droits de la défense ?

18 février 2015

Analyses Sectorielles

Le 17 février 2015, comme pour le précédent "Contrat de Régulation", l'entreprise Aéroport de Paris (ADP) a mis sur son site à disposition de tous "pour consultation" le projet de "Contrat de Régulation Economique" pour la période 2016-2020.

Publié dans la foulée de la réunion du Conseil d'administration d'ADP, le texte est présenté comme un outil en "faveur de la place de Paris", et plus particulièrement en faveur du transport aérien.

Cela montre que le document s'adresse avant tout aux investisseurs et aux marchés financiers, le document étant placé sur le site de l'entreprise dans la rubrique destinée aux "investisseurs".

Cela illustre l'évolution depuis les traditionnels "contrats de plan". Mais dès lors, qui sont les parties à ces types de contrat ?

En effet, l'expression même de "Contrat de régulation" est nouvelle. Elle paraît la modernisation du "Contrat de plan". Mais celui-ci, dont la nature contractuelle fût finalement reconnue par le Conseil d'Etat, n'avait pour partie que l'Etat et l'entreprise en charge d'un service public.

Parce qu'il est de "régulation économique", le projet de contrat ouvert à consultation publique exprime plutôt de la part de l'entreprise, ici celle qui assure la gestion des aéroports parisiens, sa vision pour le futur du développement de l'infrastructure essentielle qu'est l'aéroport comme coeur du développement mondial du transport aérien.

L'entreprise au coeur du contrat (plutôt que l'Etat), dans la fixation des objectifs des 4 années qui viennent correspond à la lettre et à l'esprit de la Loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui a mis le dispositif de ce Contrat de Régulation Economique en place.

En cela, le gestionnaire d'infrastructure est placé par la loi comme un "régulateur de second degré", comme peut l'être une entreprise de marché financier. L'entreprise qui gère et développe les aéroports parisiens entre sans conteste dans la catégorie des "entreprises cruciales", puisqu'elle dispose ainsi de l'avenir du secteur, et contribue à conserver à la France une place dans le monde.

Plus encore, A.D.P. se comporte effectivement comme un régulateur, puisque c'est elle qui procède à la "consultation publique", le document de consultation élaboré par elle.étant placé sur son site et développant ses ambitions pour le secteur et pour la France. Mais A.D.P. s'exprime aussi comme un acteur économiques et financières, soulignant le contexte de concurrence réclamant au passage plus de stabilité et de lisibilité dans la régulation dans laquelle elle se meut ...

Mais le mécanisme de consultation prévu par les texte ne peut être que plus complexe. En effet, ADP ne peut être juge et partie. C'est pourquoi si le projet suscite des observations, celles-ci doivent être formulées non pas auprès d'ADP mais auprès des ministères chargés de l'Aviation et de l'Economie, dans un délai d'un mois, lesquels en communiquent la teneur à ADP.  Puis, la Commission consultative aéroportuaire sera consultée.  C'est au terme de ce processus que le Contrat de Régulation Economique sera signé.

A voir la fin du processus, l'on demeure dans la logique des contrats de plan, puisque ce Contrat de Régulation Economique reste signé entre l'Etat et le gestionnaire de l'infrastructure essentielle. Mais le processus de consultation montre qu'en premier lieu les investisseurs à l'égard d'une entreprise par ailleurs privatisée et présentant son projet avant tout en terme de développement concurrentiel et international et qu'en second lieu les compagnies aériennes qui utilisent quotidiennement les services de ces aéroports, que le célèbre arrêt ADP a soustrait au droit de la concurrence, sont pourtant également directement concernés.

Les compagnies aériennes protestent contre l'augmentation de l'argent qui va leur être demandé. Cela va leur être imposé, puisqu'il s'agit de "redevance" et de "politique de tarification". Nous sommes bien dans l'unilatéral. Mais c'est bien un "prix" qu'elles ont l'impression de payer, entendant par ailleurs un discours faisant référence à la concurrence dans ce qui est présenté comme un "contrat".

Mais dès lors, ne faudrait-il pas admettre que ces "contrats de régulation économique" se font non pas entre deux parties que sont l'Etat et ce régulateur de second degré qu'est le gestionnaire de l'infrastructure, mais doivent se faire à trois, l'Etat, le gestionaire de l'infrastructure et les "parties prenantes", que sont ici principalement les compagnies aériennes ?

Cette difficulté pratique tient beaucoup au fait que la qualification de "contrat" a du mal à se justifier dans un mécanisme où prévalent des mécanismes unilatéraux.

17 février 2015

Translated Summaries : 05. Energie

En droit de la régulation, les municipalités ont une grande importance, en cas de consommateurs mais aussi en tant qu'émetteurs de normes. Elles peuvent le faire par le biais de contrats mais aussi par des normes unilatérales, comme des arrêtés.

Cette puissance des municipalités vient de connaître un coup d'arrêt par la décision rendue le 17 février 2015 par la Cour suprême de l'État de l'Ohio, State of Ohio ex rel. Jack Morrison Jr., Law Director for City of Munroe Falls, Ohio v. Beck Energy Corp.

En effet, un texte municipal avait pris des dispositions pour imposer des règles en matière d'emplacement, de forage et d'exploitation de puits de pétrole et de gaz. Ces dispositions étaient contraires au droit de l'État de l'Ohio.

Dans son arrêt du 17 février 2015, la Cour suprême de l'État considère que cela suffit à rendre le premier texte non-conforme à la Constitution car il n'est pas possible pour un pouvoir local d'exercer un pouvoir normatif en contredisant une norme étatique.

L'enjeu est certes juridiques et tient dans la mise en oeuvre de la hiérarchie des normes. Mais il est aussi politique : en matière énergétique, en raison de la puissance des opérateurs, qui est le plus à même de n'être pas capturé par le secteur ? Le pouvoir politique de l'État ou le pouvoir politique des municipalités ?

Comme le suggère un des juges, il faut prendre en considérer lequel des deux pouvoirs dépend le plus des opérateurs dans le financement des campagnes.

Élément de fait déterminant, propre aux États-Unis, élément auquel Kelsen n'avait pu penser ...

16 février 2015

Analyses Bibliographiques : Ouvrages

Publié par Oxford University Press (OUF), l'ouvrage collectif en langue anglaise Public Accountability , dirigé par Mark Bovens, Robert Goodin et Rhomas Schillemann, est composé de 43 contributions.

Peu portent strictement sur des questions de régulations. On peut tout de même citer l'article de Colin Scott sur les Régulateurs indépendants (Independent Regulators) ou ceux de Christie Hayne, Steven E. Salterio et de Paul L. Posner et de Asif Shahan sur le contrôle des comptes (Accounting and Auditing ; Audit Institutions).

La plupart des contributions porte plutôt sur le renouvellement nécessaire du management de l'Etat, la gouvernance publique intégrant cette nouvelle façon de "rendre des comptes", ce qui peut aller de soi, en raison du titre même de l'ouvrage : Public Accountability. Mais comme nous savons que la frontière entre le public et le privé est plus que jamais poreuse, on ne peut qu'apprécier que l'ouvrage étende ses réflexions vers la gouvernance des organisations privées, voire le secteur privé non-lucratif.

En effet, le fait de rendre des comptes est ce qui est commun à la Régulation et à la Gouvernance. C'est la première phrase de l'ouvrage : "Accountability is the buzzword of modern governance".

Sans doute parce que l'accountability, terme difficile à traduire en français, est devenue une notion  centrale, comme le montre la contribution introductive, ce sont les articles qui la confrontent à des éléments les plus générale, comme "le temps" (Accountability and Time), "la crise", (Accountability for Crise) ou "la confiance" (Accountability and Trust) qui sont les plus instructif pour l'avenir.

Ainsi, malgré son caractère collectif, l'ouvrage est très cohérent et prend souvent un ton critique à propos de cet envahissement de l'espace public par cette volonté d'accoutability, dont les auteurs soulignent les "déficits", les ratés et surtouts le coût prohibitif. On en viendrait à regretter le mécanisme simple de la règle hiérarchique à laquelle une contribution nostalgique est consacrée, où l'on décrit comment fonctionnait l'Etat avant qu'on ne lui applique la théorie par ailleurs décrite dans l'ouvrage de l'agence et qu'on lise désormais le rapport démocratique à travers ses lunettes-là.

C'est donc un ouvrage concret, complet, critique et prospectif, du plus grand intérêt.

 

 

15 février 2015

Sur le vif

La presse du Sénégal a fait état d'une conférence par laquelle le Premier Président de la Cour d'appel de Dakar a affirmé que le juge judiciaire, en l'espèce, la Cour d'appel de Dakar, après avoir été un peu "effrayé" par le droit de la régulation, en raison de la technicité de celui-ci, puis avoir craint être dépossédé du contentieux, du fait que les Autorités de régulation mises en place sont dotées d'un pouvoir de règlement des différents, est aujourd'hui en mesure de jouer son rôle.

Il affirme en premier lieu que le juge a appris la matière (en l'espèce il s'agit du contrôle des marchés publics).

Il affirme en second lieu que lorsque les parties sont en conflit, elles continuent à aller voir le juge judiciaire, indépendamment de l'existence du Régulateur et de l'exercice qu'il fait de sa fonction de règlement des différents.

14 février 2015

Analyses Sectorielles

La répression est indissociable de la façon de réprimer. C'est pourquoi les difficultés de procédure sont des révélateurs de problèmes de fond. Actuellement, le problème de fond mis à jour par les batailles autour des procédures de sanctions en matière financière est ce pour quoi sont faites les sanctions.

Pour le régulateur, la sanction est un outil parmi d'autres pour réguler les marchés financiers. La sanction, dans un continuum avec son pouvoir normatif, sont ses dents et ses griffes grâce auxquelles les marchés financiers se développent. Cette finalité de politique financière justifie une répression objective avec un système probatoire reposant souvent par présomption conduisant à imputer des manquements à des opérateurs dans certaines positions sur ou à l'égard des marchés. Le régulateur doit avoir cette carte en main et l'utiliser selon cette méthode.

Par ailleurs, s'il arrive que des personnes commettent des fautes reprochables et ressenties comme telles par le groupe social, il convient qu'elles soient punies, jusqu'à la prison. Seule la justice pénale est légitime à le faire, légitimement alourdie par la charge de prouver l'intentionnalité, etc.

Il faut distinguer ces deux catégories d'incrimination. C'est à partir de là que les deux procédures et les deux systèmes probatoires peuvent se dérouler en même temps, mais sur des incriminations différentes. Pour l'instant cela n'est pas le cas, car les "manquements financiers" ne sont que le décalque des "délits financiers", allégés des charges de preuve qui protégeaient la personne poursuivie et qui doit pour l'instant répondre deux fois.

Problème de procédure ? Non, problème d'incrimination, dont on ne sortira pas par des solutions procédurales, la plus hasardeuse étant de créer une nouvelle institution, la plus calamiteuse était d'affaiblir le système en supprimant une des voies de poursuites,  mais en distinguant dans les incriminations qui sont pour l'instant redondantes.

Ainsi, la répression comme outil de régulation utilisée par le régulateur est au point, mais le véritable droit pénal financier demeure à consolider pour atteindre son objectif propre et classique : punir les fautes, y compris par de la prison.

13 février 2015

Sur le vif

12 février 2015

Analyses Sectorielles

Il ne sert à rien à compter un à un les pouvoirs d'un Régulateur et de les additionner pour essayer de mesurer sa puissance. Il faut mesurer quelle considération les autres ont de l'exercice qu'il fait de ses pouvoirs.

Ainsi en est-il de son pouvoir d'avis. Parfois, de fait, son avis vaut autant que s'il adoptait lui-même le texte, tant ceux qui lisent ses observations en sont impressionnés. Parfois, le Régulateur peut bien formuler un avis sensé, motivé, pertinent, ceux auxquels il s'adresse n'en ont cure.

Le résultat est souvent que le Régulateur prend alors acte de cette faiblesse à propos de laquelle dans le cadre strict de ce pouvoir d'avis il ne peut rien, mais dans la continuité de ses pouvoirs entre l'Ex Ante et l'Ex post, parce que le secteur est un espace clos, il s'en souvient, notamment lorsqu'il exerce ses pouvoirs de règlement des différents ou plus encore ses pouvoirs de sanctions. Et là ...

Prenons l'exemple des activités ferroviaires. L'Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires (ARAF) est un Régulateur récent, face à des acteurs puissants, dans lesquels l'Etat a des intérêts. Le fait que ces intérêts soient légitimes n'enlèvent pas le poids qu'un tel opérateur public intégré représente face au Régulateur. Le 27 novembre 2014, l'ARAF a exprimé des avis défavorables concernant les principaux projets de décrets. Le 6 janvier 2015, l'Autorité de la concurrence a également formulé un avis critique, englobant dans son mécontentement et la loi de "Réforme ferroviaire" et ces projets de décrets.

Le 11 février 2015, les 7 décrets d'application du 10 février 2015 ont été publiés. Les avis défavorables concernant trois d'entre eux par le Régulateur (l'ARAF) ont été balayés. On peut l'admettre tout à fait, à la fois concernant l'Autorité de la concurrence, puisque nous somme en matière de Régulation et non pas dans le simple jeu de la concurrence, et concernant l'ARAF, car son avis n'est que consultatif, et le pouvoir exécutif reste dans la ligne de la volonté du Parlement. C'est comme si le Régulateur n'avait rien dit.

Ainsi, au regard de la hiérarchie des normes, dans la lettre comme dans l'esprit, les décrets sont dans la droite ligne de la loi qu'ils mettent en application.

Mais il n'est pas exclu que le Régulateur des activités ferroviaire se souvienne d'avoir été si peu considéré lorsque c'est en tant que sorte de juge, dans des fonctions civiles (règlement des différents) et répressives (sanctions) que les mêmes se présenteront devant lui.

23 janvier 2015

Sur le vif

Que fait la Régulation aux opérateurs ? Comment la ressentent-ils ? Est-ce qu'ils l'intériorisent ? Est-ce qu'elle représente pour eux simplement un coût ou bien en ce qu'elle influe sur leur stratégie sur les marchés ?

La question est d'autant plus importante que l'on adhère à la théorie des incitations, considérant que les techniques adéquates de régulation sont celles qui produisent les comportements désirés chez les opérateurs régulés.

L'enjeu n'est pas de savoir si la Régulation est prise en compte dans les dépenses. Cela est acquis. Par exemple, depuis deux ans les banques déplacent des forces internes de certaines services, comme le crédit, au service de conformité à la régulation. La régulation peut représenter une part très élevée des coûts : cela vient notamment du fait que la compliance a internalisé les coûts de la régulation dans l'entreprise.

Mais est-ce que cela fait changer les choix stratégiques de l'opérateur sur le marché, et non pas seulement multiplié les process internes ?

A écouter LLoyds Blankfein, président de Goldman Sachs à Davos, propos immédiatment commentés dans la presse britannique comme étant des considérations apaisées à l'égard de la Régulation!footnote-22, on en doute.

Monsieur Lloys Blankfein, qui siège par ailleurs au conseil d'administration de la Law School d'Harvard, interrogé sur la question de savoir si la banque ne souffre pas de la pression des régulations et des superviseurs,  répond qu'il faut en tenir compte, notamment dans la conception même des systèmes techniques pour satisfaire la compliance mais que lui, la Régulation n'est pas vraiment une contrariété : c'est un "bruit de fond". Il la compare à la musique : quelque chose que l'on écoute beaucoup, mais pendant que l'on fait son travail. Quelque chose qui demeure extérieur.

Cela signifie que pour lui la régulation occupe ses services mais n'affecte pas son travail de président de banque d'affaires.

On peut s'en réjouir, puisque cela montre que la régulation n'entrave pas la libre entreprise et les choix de l'opérateur. On peut s'en inquiéter si on donne à la régulation une fonction "éducatrice", voulant infléchir la façon dont le président lui-même décide. Dans ce cas, la Régulation doit cesser d'être une sorte de coûteuse musique d'ascenseur.

Il n'est pas sûr que Régulateurs et Superviseurs le conçoivent ainsi.

22 janvier 2015

Analyses Sectorielles

Un question simple : être régulateur, est-ce un métier ?

Dès qu'on pose la question, il convient de la décomposer. En effet, le temps n'est plus guère où le Régulateur était une personne physique. Aujourd'hui, le plus souvent, le Régulateur prend la forme d'une Autorité de Régulation, c'est-à-dire d'une entité, dotée ou non de la personnalité morale, intégrée dans l'État ou de nature professionnelle.

Les personnes physiques apparaissent comme membre de l'Autorité, même s'il est vrai que le Président de l'Autorité de Régulation a souvent un rôle très important!footnote-17.

Le choix des commissaires devient déterminant pour l'indépendance et l'efficacité de l'Autorité de régulation. Il convient que la personne ait de l'autorité sur le secteur, qu'elle en soit respecté et qu'elle participe efficacité à l'action collective du Collège.

Essayons de rappeler les deux séries de critères auxquelles on songe pour déterminer le "bon régulateur" afin de prendre comme cas la nomination de Monsieur Yann Padova comme nouveau membre du Collège de la Commission de Régulation de l'Énergie.

21 janvier 2015

Sur le vif

Vient de sortir l'ouvrage de Sofia Ranchordiàs, Constitutional Sunsets and Experimental Legislation, sur un sujet de méthode législative plus particulièrement utilisée en matière de Régulation.

En effet, il y a peu, un président d'une compagnie d'assurance affirmait que les assureurs étaient excédés d'être considérés comme des "rats de laboratoires" par les Autorités de régulation et les Législateurs qui prennent des textes "pour voir", pour un temps, laissant les opérateurs dans l'attente de savoir s'ils pourront conserver la loi à l'avenir en fonction de l'appréciation que le Régulateur et le Législateur auront fait de leur comportement!footnote-14.

L'intérêt de cet ouvrage est tout d'abord de montrer qu'aujourd'hui le législateur court après le temps. Cela renvoie à la figure d'un législateur-gestionnaire, qui veut apporter des solutions à des situations. Est congédié le Législateur qui écrivait dans le marbre, c'est-à-dire hors du temps, parce qu'il exprimait des principes, sa volonté, à l'aune desquels les situations s'ajustaient.

Dès l'instant que la législation devient affaire de gestion, elle devient affaire de temps, de bon timing, et d'efficacité.

Parce que la figure de la Loi a changé, ses modalités devraient changer. La loi la plus adéquate paraît alors la "loi expérimentale", la "loi à l'essai". Cette loi éphémère que les techniques de régulation promeuvent, ne peut prétendre s'inscrire dans le futur que si elle a "réussi". Les opérateurs doivent être bons élèves.

Ainsi, la loi n'est plus qu'un brouillon et c'est son succès qui permet à la norme d'accéder au statut qui allait de soi : la Loi qui vaut pour l'avenir.

Ces lois précaires, que la Régulation présente comme le bon modèle, remettent en cause les principes constitutionnels, la Constitution n'étant elle-même que la Loi suprême ayant vocation à durer pour l'avenir.

Cet ouvrage montre jusqu'à quel point les notions d'efficacité, de test, de flexibilité, peuvent attaquer l'idée même de Loi et de Constitution. Il est vrai qu'en Régulation, tout ne deviendrait que réglementation, y compris la loi mais il est aussi vrai que les cours constitutionnelles sont rétives à admettre les "lois expérimentales".

19 janvier 2015

Sur le vif

On écoute plus guère les sermons. C'est sans doute pour cela qu'Alain Supiot nous remet sur la table le texte de Bossuet occupant quelques pages mais qui depuis 1659 occupe les esprits sur "l'éminente dignité des pauvres". Quand Bossuet parle de richesse et de pauvreté, les économistes ont intérêt à le lire. Lorsque Bossuet parle d'ordre juste et de "place de droit", les juristes doivent le lire.

Alain Supiot le commente en écrivant à la suite "Le renversement de l'ordre du monde".

Commençons par Bossuet qui rappelle que les riches pensent que tout leur est dû alors que la grâce est donnée aux pauvres et soutient que le riche gagne à partager avec le pauvre, car c'est ainsi qu'il peut alléger des richesses qui l'accablent, entrer dans la communauté (constituée par l'Église) dans laquelle les pauvres ont place première de droit.

Dans son étude, Alain Supiot reprend la définition même de "pauvreté", qu'on comptabilise par l'argent dont l'individu dispose. Il reprend alors le thème de Bossuet pour affirmer qu'au contraire de ce qui résulte des méthodes statistiques (combien de $ par personne et par jour), les fortunés sont "pauvres" puisque le marché les isole, les écartant de toute solidarité. Pourtant, l'ordre naturel devrait les conduire à partager, ne serait-ce qu'en payant l'impôt, et autres mécanismes passant par l'État-providence. Mais il constate que l'État s'éloigne de plus en plus de cette fonction, aspiré par ce modèle des seuls fortunés (les "riches-pauvres"), le seul modèle disponible devenant ce que Alain Supiot appelle le "marché total"!footnote-15.

On peut ne pas partager cette lecture du monde, par exemple si l'on croit que les riches partagent (Responsabilité Sociale de l'Entreprise) ou si l'on croit que l'État - sorte d'Église - a souvent été égoïste, mais écoutons déjà le premier des conseils : relire Bossuet.

A lire le Discours de l'Union du Président Barack Obama ayant pour thème le juste partage entre les pauvres et les riches par la redistribution publique, on repense à Bossuet.

16 janvier 2015

Sur le vif

En lisant la presse, par exemple Les Echos du 16 janvier 2015, on apprend que Standard & Poors vont signer un accord de 1 milliard $ avec l'administration américaine pour éviter un procès.

On ne peut qu'être étonné, voire contrarié.

En premier lieu, l'accord n'est pas encore conclu. Il le serait dans un ou deux mois. Comment se fait-il qu'on le connaisse déjà ? En deuxième lieu, les contrats, car la transaction est un contrat, répertorié par le Code civil, qui n'a pas vocation à être public. Comment se fait-il qu'on en sache déjà tout ? La personne qui a donné l'information "a tenu à garder l'anonymat". On s'en doute ...

En troisième lieu, il est vrai que la régulation des agences de notation est un vaste sujet. Des textes spéciaux ont été pris mais la doctrine juridique a estimé que le droit manquait encore d'outils et que c'était sans doute la responsabilité civile, instrument juridique générale, qui était le plus approprié.

Mais l'engagement de la responsabilité suppose un procès, des preuves, le respect des droits de la défense, de respect des textes. Ici, 1 milliard $ est versé par l'entreprise pour éviter que s'ouvre à son encontre un procès pour que soit allégué contre elle le fait qu'elle aurait sous-évalué le risque des subprimes. Mais d'une part chacun se dit que l'agence de notation l'a bel et bien fait puisqu'elle paie afin que le dossier ne s'ouvre pas. D'autre part, et dans une perspective de régulation, l'information qui serait sortie du procès, un procès étant une forme de crise, ne sortira pas.

Ainsi, l'industrie des "deals de justice", en dehors du fait que certains qualifient le phénomène de "racket", ne constitue pas une "dépénalisation" de la régulation pour le "civiliser" grâce au contrat de transaction. Au contraire, ce mouvement qui se généralise est un accroissement de la répression qui fait aujourd'hui l'économie des droits de la défense pour l'opérateur et des informations pour le secteur.

On ne peut qu'en être contrarié.

14 janvier 2015

Sur le vif

Prenons un cas : la taxe sur les transactions financières.

Certains disent que c'est une bonne idée, d'autres soutiennent que ce serait stupide de le faire. Certains disent qu'on perd son temps de l'évoquer, l'on n'arrivera pas à l'adopter.

Mais dans le journal Les Échos du 13 janvier 2015, le président de l'European Securities and Markets Authority - ESMA aborde la question dans une perspective à la fois plus étroite et plus fondamentale, en affirmant que l'autorité de régulation européenne n'est légitime à adopter que des règles acceptées pour tous les États-membres.

Comme de nombreux pays continuent de ne pas admettre cette taxe, il en conclut que l'ESMA ne prendra pas de position à ce sujet car sur ce type de sujet "il faut faire des règles à 28 où ne pas en faire du tout".

L'on doit donc comprendre que des règles de régulation technique peuvent et doivent être adoptées par le Régulateur, d'autant plus vite et bien que les organes politiques n'ont pas le dernier mots, tandis que pour des règles comme la texte pour les transactions financières, il faut passer par cette légitimité, même si l'on doit préférer renoncer à la demie-mesure actuelle que constitue l'application volontaire dans quelques pays.

Dans une première perspective et dans le cas présent, il faut donc en conclure que la Taxe sur les transactions financières est un acte politique et non un simple acte technocratique de régulation. Dans une seconde perspective et d'une façon plus générale, parce que l'Europe est une zone financière intégrée, elle ne supporte pas que certaines zones adoptent une règle et d'autres non.

Si cette dernière règle générale est vraie, alors la massive zone euro dans l'Europe financière à la fois plus large et dont le Royaume-Uni est l'un des piliers est un problème.

 

13 janvier 2015

Sur le vif

Désormais, l'art de faire les lois est de les réécrire en les aménageant par des mesures techniques auxquelles les auteurs des normes travaillent avant même que les premiers textes dont il s'agit d'appliquer les principes ne sont pas encore en application. La réforme du droit de la régulation des instruments financiers est exemplaire de cela.

Cette impression de "flux" est d'autant plus forte" que les textes soient publiés sous forme de projets, soumis à réponses écrites, voire à débat organisé. La consultation de place est une phase déjà usuelle dans l'élaboration des textes de régulation, mais l'usage des consultations de place a sa source dans les pratiques bancaires et financières.

Dans les textes de l'Union européenne qui se sont succédés de deux textes fondamentaux pour la régulations des instruments financiers, à savoir la directive MIFID 2 et le Règlement MIFIR, texte portant sur les instruments financiers, textes adoptés par le Parlement européen le 15 avril 2014, publié au JOUE en juin 2014 mais qui n'entreront en vigueur en 2017,

Il s'agit d'une sorte de réforme "continuée" puisque la consultation avait déjà commencée sur les textes suivant, contenant les dispositions techniques d'application. Il n'est donc pas étonnant qu'après avoir publié un document de consultation le 19 décembre 2014, l'European Securities and Markets Authority (ESMA), après avoir laissé un peu moins d'un mois pour la lecture de 650 pages, ait offert le projet de modification des textes  à consultation le 12 janvier 2015.

Selon une méthode proche des méthodes juridictionnelles, l'ESMA informe qu'elle écoutera les "parties prenantes", qui vont des autorités publiques aux associations de consommateurs en passant par toutes sortes d'intervenants sur le marché, le 19 février 2015 à la Maison de la chimie à Paris.

Le document de consultation avait quant à lui ouvert un délai pour les réponses écrites allant jusqu'au 2 mars.

Pour intervenir oralement, faut mais il suffit de s'inscrire selon un formulaire fourni.

Désormais assez courante, cette façon de faire en auditions successives, collectives, sans doute contradictoires, ressemble à un procès, pour éclairer le régulateur et éviter les connivences.

Cette méthode des hearings rapproche en première de la juridictionnalisation de la régulation car ce sont des sortes d'amici regulatorie qui sont ainsi écoutés. En outre, puisqu'ils se présentent spontanément, même s'ils passent par le filtre de l'agrément, un peu selon la méthode américaine, c'est un signe d'une co-régulation accrue.

10 janvier 2015

Analyses Sectorielles

Dès l'instant que la régulation suppose l'indépendance de l'opérateur qui gère l'infrastructure essentielle, les conditions ex ante de cette indépendance doivent être réunies.

L'Europe n'exige pas une autonomie juridique du gestionnaire de l'infrastructure essentielle, sans doute exiger une telle autonomie, ce serait à la fois trop demander au Politique, qui peut vouloir des organisations plus intégrées dès l'instant que s'y mêlent des politiques publiques et qu'y sont employés des fonds publics. Mais cela serait aussi trop peu demander au Politique car peu importe l'autonomie juridique, l'essentiel est l'autonomie réelle, laquelle est sous la garde du Régulateur.

En France, l'Autorité de Régulation est l'Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires.

La loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014 a procédé à l'intégration de la société qui gère le réseau de transport ferroviaire, dont la nouvelle dénomination est SNCF Réseau, dans un Groupe public, dans lequel figure aussi la SNCF, opérateur public de transport de fret et de personne, en compétition avec de nouveaux entrants, dans un secteur nouvellement ouvert à la concurrence.

L'Autorité de la concurrence dans son avis du 4 octobre 2013 avait exprimé ses réticences à l'égard du projet de loi, devant l'emprise qu'une telle organisation sociétaire offre à l'opérateur public, au détriment de de ses concurrents et de l'ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence.

Le ton critique s'accroît avec l'Avis du 6 janvier 2015 relatif à des projets de décrets pris pour l'application de la loi portant réforme ferroviaire.

L'Autorité de la concurrence constitue son avis comme une véritable dissertation sur ce que doit être la régulation du secteur ferroviaire à travers la "gouvernance" du gestionnaire de réseau. En effet, la première partie de l'avis porte sur "la gestion indépendante des infrastructures ferroviaires" tandis que la deuxième porte sur l'intégration de SNCF Réseau dans le groupe public. La troisième partie de l'Avis en tire les conclusions pour mesurer si l'on peut considérer que le régulateur, c'est-à-dire l'ARAF, aura les moyens de garantir cette indépendance par la gouvernance.

Cet avis, dans sa construction même, montre la dialectique entre la régulation et la gouvernance (I), ce qui est un constat et insiste sur le rôle du régulateur dans l'effectivité de la gouvernance (II), ce qui est davantage une question.